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Le Monde de NEOMA

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L’ambiance est à la compétitivité : en bonne conscience de leurs forces concurrentielles, les organisations ont sitôt fait de la rétention des talents leur fer de lance compétitif. « People first », le développement de l’expérience collaborateur s’est progressivement imposé en leitmotiv dans la partition du management des ressources humaines. La qualité de cette expérience favoriserait engagement, fidélisation et performance du collaborateur. Par Nathalie Fontaine, professeur et développeur de pédagogie à NEOMA.

Un manager drôlement intelligent !

S’offrant presque en paradoxe à l‘image vieillotte du management des ressources humaines, l’animation de l’expérience collaborateur, alors nouvelle fonction dans le paysage managérial, s’est rapidement digitalisée. La très large démocratisation des applications de mobile learning ou de onboarding n’a-t-elle pas notamment pour objet la rétention des talents par l’optimisation de l’expérience collaborateur ?

Le gestionnaire RH s’est, par là même, trouvé muté en « coach de collaborateurs 2.0 ». Qu’il se rassure, son épopée est d’autant moins terminée que l’intelligence artificielle s’invite à lui prêter main forte…

En effet, déjà, des chatbots* recruteurs sont utilisés au sein de groupes industriels et plus récemment des cabinets d’audit. Si leur usage optimise la pré-sélection des candidatures et allège la charge de travail du recruteur, il permet aussi l’optimisation de l’expérience candidat : l’immédiateté et la pertinence de la réponse donnée aux candidatures valorisant l’image de l’employeur.
*Chatbot : logiciel de simulation de conversation en langage naturel

A l’instar des chatbots recruteurs, des dispositifs « intelligents » supportent désormais le management de la communication interne. Les chatbots RH exploitent les technologies de l’intelligence artificielle (dont les algorithmes d’apprentissage automatique : le deep learning) pour « communiquer » avec chaque collaborateur, à sa demande, de manière individuelle et personnalisée.

Le collaborateur peut ainsi interroger son « employeur » sur toute question qui le concerne personnellement, qu’elle soit relative à la gestion de sa carrière, de ses compétences, au financement de sa formation, à ses droits de manière générale… La formulation d’une réponse personnalisée, pertinente et quasi immédiate par le chatbot RH s’offre en garantie de la fluidité de la communication entre les deux parties.

En outre, par la magie du Big Data et de l’analytique RH, l’analyse sémantique des questions formulées par les collaborateurs permet de faire connaitre leurs préoccupations, pour ce qu’elles sont, mais aussi pour ce qu’elles indiquent du climat social. De ce fait, les managers, forts de ces connaissances, seraient toujours plus en capacité de s’inscrire dans un processus d’amélioration continue de l’expérience collaborateur.

Vers la déshumanisation du management…humain ?

Le manager RH 4.0 est donc déjà né.

Malgré tout, il semble demeurer un certain attentisme à user d’intelligence artificielle à des fins de management humain.

Nourris des romans de science-fiction post-apocalyptique des éminents George Orwell et René Barjavel, nous n’avons de cesse d’exprimer notre phobie d’abandonner notre humanité aux maudites technologies. Et bien, voilà donc désormais que le management humain s’en trouve lui aussi… tout déshumanisé ! Un comble !

Or, il n’en demeure pas moins que l’intelligence artificielle soulage le manager de ces tâches rébarbatives, sinon imbéciles du traitement des données trop peu utiles au management humain. De fait, délivré du quotidien des tableurs, comme des récurrentes requêtes jamais soldées, le manager RH peut enfin se consacrer aux questions humaines qui font son métier. Le voici pleinement en mesure d’écoute et d’accompagnement.

Pour autant, c’est à lui qu’il appartient de déterminer en quoi et comment ces révolutions technologiques lui seront du meilleur secours à replacer l’humain au cœur de son intérêt managérial.

Les recommandations clefs

1.    S’enquérir – a priori de son introduction dans l’organisation – de l’utilité réelle de l’innovation technologique.

De Philippe Geluck qui fait dire à son fameux Chat* : « Rien ne sert de courir. Surtout si c’est dans le mauvais sens… »1, on pourrait souligner qu’il ne sert à rien d’introduire une intelligence artificielle dans une visée managériale si elle ne permet pas de modifier les pratiques dans le bon sens.

*Le Chat, Tome 21, Chacun son chat, éditions Casterman (2017)

2.    Vérifier que l’innovation serve aux rapprochements humains plutôt que l’inverse

S’il revient au manager de s’enquérir de l’utilité d’une introduction technologique auprès de ses collaborateurs, il a tout lieu de vérifier qu’elle favorisera les rapprochements humains plutôt que l’inverse. A la question : « Cette technologie est – elle utile et sera t’elle utilisée des collaborateurs ? », s’ajoute la suivante : « En quoi cette technologie nous rendra toute l’énergie cognitive suffisante à nous préoccuper des femmes et hommes qui font l’organisation ? »

3.    Introduire l’innovation technologique auprès des équipes, en mode collaboratif et participatif.

Manager l’innovation devra consister, sinon à oublier une introduction technologique en mode Big Bang, à associer autant que nécessaire les collaborateurs à la démarche. Pour ce faire, la conduite d’entretiens pourra s’avérer utile à analyser l’intérêt de l’innovation vus les besoins, à définir différents scenarii d’usage, à procéder à d’éventuels tests et à s’enquérir des premiers retours d’expérience. En ce cas précis, le management participatif s’affirme en incontournable critère de succès.

4.    Développer et valoriser ses soft skills en matière de management humain

Manager l’introduction d’une innovation auprès de ses équipes ne nécessite en rien de passer maitre-expert en matière d’intelligence artificielle, de deep learning, de machine learning, de big data et de blockchain ! En revanche, parce qu’il perçoit en l’humain son exclusive préoccupation, le manager 4.0 aura mieux fait de développer ses soft skills, à savoir un bel esprit critique, autant qu’une capacité d’écoute et d’empathie sans lesquels il pourrait bien « courir dans le mauvais sens » de l’expérience humaine.

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