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Le Monde de NEOMA

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Quand le service ressources humaines d’une entreprise propose aux salariés des jeux de motivation sur terminal mobile, l’engagement, la satisfaction vis-à-vis du poste occupé et les résultats s’améliorent. C’est la conclusion d’une étude signée par trois coauteurs, dont Laura Ruiz et Ales Popovic de NEOMA Business School, et publié en mars 2022 dans la revue Information et Management. Des enseignements précieux, en particulier pour les firmes freinées dans leur croissance par ces tendances de plus en plus courantes : le désengagement et la hausse du turnover…

Proposer à ses salariés des expériences de jeu sur terminal mobile (smartphone, tablette, PDA…) concoctés par le service RH, est-ce bien sérieux ? Surtout quand on sait que cela coûte cher ? « Oui » répondent les trois auteurs de l’étude, qui s’appuient sur les résultats d’une enquête approfondie et citent des exemples d’entreprises qui ont sauté le pas.

Quand Hôtels Marriott, Microsoft ou Disneyland misent sur le jeu

Ces retours d’expérience sont nombreux et variés. Dans leur processus de recrutement, les hôtels Marriott proposent à des candidats de simuler l’exécution de tâches. La société américaine Liveops incite ses agents de centres d’appel à partager leurs connaissances et à tisser des liens entre eux. Toujours grâce au jeu, Microsoft encourage ses salariés à relever certains indicateurs de performance. En Espagne, la chaîne de supermarchés Coviran cible les équipes des magasins et de la logistique.

Ces initiatives ne sont pas toujours couronnées de succès. Disneyland avait créé un jeu pour améliorer la productivité des salariés de ses blanchisseries ; ces derniers l’ont rapidement baptisé le « fouet électronique » parce qu’il exacerbait la concurrence entre collègues…

La gamification RH contribue à la performance financière

Curieusement, la recherche académique s’était encore peu intéressée au sujet, privilégiant l’étude des impacts de la gamification dans l’éducation, ou des effets de certains éléments du jeu (classements par exemple) sur le comportement des joueurs. Les auteurs ont donc innové avec cette étude auprès de 134 sociétés parmi les plus en vue d’Espagne, dans des secteurs très variés : distribution, banque et assurances, transport, industrie manufacturière, agroalimentaire, chimie… Dans chacune d’elles, ils ont questionné le directeur informatique ou l’un des cadres dirigeants.

Principale conclusion : en améliorant l’engagement des salariés, leur satisfaction vis-à-vis de leur poste et leurs résultats, la gamification RH sur mobile contribue à la performance financière des entreprises. Autrement dit, les terminaux mobiles et leurs applications dédiées sont des ressources qui permettent de créer de la valeur.

Le jeu rend le travail quotidien plus « engageant »

 C’est un enseignement important pour les sociétés qui hésitent devant les aléas et le prix de telles initiatives. Chez Coviran, par exemple, les dirigeants se sont longtemps opposés au projet de gamification : il fallait acheter de nombreuses licences Microsoft 365 et le rapport coût-bénéfice de l’opération suscitait des inquiétudes.

Pourquoi les jeux sur terminal mobile renforcent-ils l’engagement des salariés ? Parce que le mélange de compétition et de collaboration, les défis, les récompenses, l’accès à des statuts valorisants créent des attentes, du suspense et de la curiosité. Le travail quotidien devient plus « engageant », voire se mue en expérience immersive ; par exemple, si le jeu prévoit des feedbacks très rapides sur la qualité des tâches réalisées.

Des salariés impliqués, proactifs et en amélioration permanente

Ces mécanismes alimentent également la satisfaction vis-à-vis du poste occupé. S’il est bien conçu, le jeu peut devenir synonyme de plaisir, d’indépendance, d’expression personnelle, d’appartenance à un groupe. Il suscite une sensation d’efficacité et de compétence qui renforce l’estime de soi. Le salarié est donc davantage incité à s’engager pleinement, sur les plans physique, cognitif et émotionnel.

Ce haut niveau d’engagement et de satisfaction explique l’amélioration des résultats opérationnels et financiers. Les salariés sont moins distraits ou perturbés par des problèmes étrangers à leur travail ; ils sont mieux armés pour surmonter les obstacles et innover ; ils font davantage de suggestions, détectent les opportunités, anticipent les incidents, cherchent en permanence à s’améliorer, etc.

De plus, le fait de jouer sur terminal mobile (plutôt qu’en ligne ou sur PC) démultiplie leur impact. Les terminaux mobiles en effet disponibles partout, offrent une connexion aisée avec les collègues/partenaires de jeu, fluidifient le partage de données, sans contraintes de compatibilité ou de formats. En outre, ils identifient chaque joueur et lui offrent des options de personnalisation : avatars, choix entre plusieurs récompenses, possibilité d’afficher ou non ses scores, etc.

Un levier au service de l’attractivité et de la fidélisation des collaborateurs

La liste d’effets bénéfiques de la gamification RH est d’autant plus remarquable que les auteurs ont prévu des variables de contrôle pour isoler l’impact d’autres facteurs de motivation : climat interne positif, valeurs d’entreprise fortes et alignées, autonomie dans l’exécution des tâches…

Oui, utiliser des éléments ludiques est une option « sérieuse » pour améliorer son chiffre d’affaires, et les décideurs, équipes RH et services informatiques peuvent s’en emparer.

Oui, le portage sur terminal mobile des expériences de jeu est plus efficace que les versions en ligne ou sur PC. Pour l’ubiquité, la connectivité, le partage d’informations et la personnalisation.

Enfin, dans le contexte de 2023 où les entreprises bataillent pour recruter, motiver, fidéliser les salariés, les équipes RH disposent ainsi d’un nouvel outil pour relever ces défis. Et cerise sur le gâteau, elles peuvent démontrer son retour sur investissement positif.

Référence

Jose Benitez, Laura Ruiz et Ales Popovic, Impact of mobile technology-enabled HR gamification on employee performance: An empirical investigation, Information & Management – doi.org/10.1016/j.im.2022.103647