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Le Monde de NEOMA

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Comment manager une génération qui veut être autonome, libre, participer aux choix stratégiques, tout faire en même temps ? Carine Chemin-Bouzir, professeure au Département Hommes et Organisations de NEOMA, explorent quelques pistes.

Ils veulent être autonomes, ils veulent de la flexibilité, ils veulent un travail qui ait du sens… Sur ces attentes, les jeunes de la génération Z sont peut-être un peu plus intransigeants que leurs aînés. En cas de déconvenues, les voilà qui pourraient prendre la poudre d’escampettes. Quelle est alors la place du manager ?  Celle-ci n’est pas remise en question : ils ne veulent pas être en roue libre. Mais c’est de son rôle qu’il s’agit.

« En entreprise, la gestion « à la papa » ne fait plus rêver les jeunes », titrait Le Monde de novembre 2021.

Les supérieurs hiérarchiques autoritaires qui contrôlent et qui sanctionnent n’ont jamais été aussi peu en odeur de sainteté. Les jeunes qui ont reçu une éducation plus souple et plus « responsabilisante » ne sont pas prêts à plier. Impossible pour eux d’être infantilisés dans le monde professionnel. Mais ce n’est pas tout.

Des managers qui coachent

Dans l’entreprise, les jeunes veulent apprendre, apprendre vite, ils veulent développer leur potentiel, ils veulent gagner en compétences. On ne les dupera pas : les missions sans saveur, passage obligé dit-on vers une place au soleil, très peu pour eux. Pas question de s’ennuyer, ou de réaliser un travail pour lequel ils seraient surqualifiés. D’emblée, ils attendent des conseils, ils veulent être accompagnés, poussés, coachés.

Ces jeunes qui ont soif d’apprendre ont envie de s’amuser et de construire leur CV

« Le manager devient un coach, indique Carine Chemin-Bouzir, professeure au Département Hommes et Organisations de NEOMA. Le manager doit être présent, il doit être accessible et répondre aux questions. Car ces jeunes qui ont soif d’apprendre ont envie de s’amuser et de construire leur CV ». Elle ajoute : « Aujourd’hui, ils n’ont plus cette notion d’emploi à vie, encore moins dans une seule entreprise, alors si le travail est trop pauvre ou trop routinier, si le métier ne leur correspond pas, ils partent ». 

Des managers qui tranchent

Ces jeunes recrues attendent de leur manager « coach » des consignes claires. Evident ? Pas tant que cela : « Les entreprises sont de plus en plus matricielles, souligne Carine-Chemin Bouzir. Les organigrammes sont moins hiérarchiques mais de plus en plus complexes, avec plus de transversalité, plus de gestion par projet.

Certes, ces organisations sont plus agiles et plus apprenantes, mais elles sont de plus en plus politiques. Un jeune professionnel peut être rattaché à deux managers, de deux secteurs différents, par exemple un RH, l’autre Service client. A l’interface entre deux services, ils sont de plus en plus soumis à des injonctions contradictoires. Ils se retrouvent au milieu d’un jeu politique qui les dépassent ». Aux managers de débloquer rapidement la situation – en organisant une réunion avec les protagonistes par exemple-, et de trancher qu’ils puissent faire un travail technique ou relationnel dans un contexte plus serein.

Ils veulent un manager qui sache organiser la collaboration, animer les échanges, répartir les tâches en jugulant les rivalités. 

Des équipes agiles qui fonctionnent en mode projet, voilà qui plaît à la génération Z. Mais là encore pas si simple : les managers doivent bien gérer les relations au sein des équipes et devenir des « régulateurs de dynamique de groupe ». « La qualité du travail d’équipe est importante pour les jeunes », détaille Carine Chemin-Bouzir. Ils veulent un manager qui sache organiser la collaboration, animer les échanges, répartir les tâches en jugulant les rivalités. Qu’il sache trancher, voire recadrer.

Bien qu’aspirant à beaucoup de liberté, la génération Z veut donc un cadre. Pour la professeure de NEOMA, « Le manager doit organiser un ordre symbolique, un système qui donne une place définie à chacun, avec des fiches de postes, avec des règles qui favorisent la bonne collaboration mais qui n’éteignent pas les initiatives. L’équipe doit pouvoir être autonome, prendre des décisions équitables, et viser la performance ».

Les bonnes règles de l’entreprise libérée

C’est sur ces principes de concertation que reposent d’ailleurs les entreprises libérées, le graal pour cette génération. Si elles visent tout à la fois le bien être des salariés et ses performances, le contrôle ici se fait par les pairs. Les rivalités y trouvent un terreau fertile. « Quand le manager est absent, la recherche montre le risque de voir les salariés désigner des boucs émissaires sur qui ils rejettent toute l’angoisse d’avoir été laissés seuls face aux décisions », note Carine Chemin Bouzir qui a travaillé sur le sujet avec Hélène Picard, professeur à l’Ecole de Management de Grenoble.

Ces entreprises toutes libérées soient-elles ne peuvent s’affranchir de règles pour garantir un climat de bienveillance, éviter les luttes d’égo, organiser la prise de décision. « Même dans les entreprises libérées, il y a du management ». Libres dans le cadre.