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Le Monde de NEOMA

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L’Alaska deviendra-t-elle le nouveau territoire revendiqué par les russes et une zone de confrontation directe entre les Etats-Unis et la Russie ? Edgar Bellow et Lotfi Hamzi, professeurs de Stratégie à NEOMA, nous livrent leur analyse géopolitique.

« Nous avons, nous aussi, quelque chose à reprendre. »

Le 6 juillet 2022 Viatcheslav Volodine, Président de la Douma la chambre basse du Parlement russe a menacé de reprendre l’État de l’Alaska si les États-Unis saisissent ou gèlent leurs avoirs à l’étranger. Viatcheslav enjoint Washington à « réfléchir » avant de saisir ou geler les avoirs russes à l’étranger, « car nous avons, nous aussi, quelque chose à reprendre. » Cela fait plusieurs années que le sujet d’une Alaska russe est abordé dans les médias, ces territoires faisaient autrefois partie de l’Empire russe, vendue aux Etats-Unis en 1867.

Volonté d’expansion ou provocation ?

Quand la Russie, sur fond de guerre en Ukraine, menace les Etats-Unis de reprendre l’Alaska, on peut se demander s’il s’agit d’une vraie volonté ou de provocation, brandies pour réveiller le patriotisme et exciter les velléités nationalistes de la population russe.

Après cette déclaration du Président de la Douma, une vraie campagne intitulée « l’Alaska est à nous » a été créée sur les réseaux sociaux russe. Des panneaux publicitaires floqués du même slogan ont même été installés dans la ville sibérienne Krasnoïarsk.

Ce n’est pas la première fois que Moscou partage ostensiblement son souhait de voir le drapeau russe flotter au-dessus du plus grand État américain. Depuis une dizaine d’années, le sujet est régulièrement abordé dans les médias russes. En mars 2022, c’était Oleg Matveychev, membre de la Douma et conseiller de communication de Vladimir Poutine qui exigeait des États-Unis « la restitution de toutes les propriétés russes, celles de l’empire russe, de l’Union soviétique et de la Russie actuelle » – l’Alaska, donc, mais aussi l’Arctique (selon lui « découverte » par la Russie)

L’Arctique, objet de convoitise

Pour être plus prêt de la zone de confrontation, Poutine envoi le 3 août 2007, une expédition pour planter un drapeau russe au fond de l’Océan Arctique en revendiquant sa souveraineté sur cette partie du territoire riche en réserves d’hydrocarbures. Mais d’autres pays convoitent aussi cette région. Les Etats-Unis, le Canada, la Norvège et l’Union-Européenne via le Danemark veulent également y planter leurs drapeaux. A ce jour La Russie a restauré et équipé en missiles balistiques toutes ses bases militaires autour de l’Arctique et y conduit régulièrement des manœuvres militaires.

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Le Détroit de Béring : guerre ou paix ?

Le Détroit de Béring, sera une ligne de confrontation et de guerre ou une zone de paix et de prospérité pour les Etats-Unis, la Russie ou le reste du Monde.

La montée du nationalisme en Russie pousserait-elle à une revendication insensée qui précipiterait le monde dans une nouvelle guerre de haute intensité voire nucléaire ?

Pour une Zone de Coprospérité !

Une invitation des Etats-Unis et des européens pour une coprospérité régionale avec la Russie pourrait aboutir à une paix régionale et une paix mondiale.

Les projets existent et ont été initiés dans les années 80 en pleine Guerre Froide : une autoroute et un tunnel qui reliraient les deux pays par le Détroit de Béring et permettraient de circuler en train par le tunnel ou en voiture par un pont.

Un tour du monde en passant par le Détroit de Béring deviendrait un rêve pour les touristes.

Une navigation maritime par l’Arctique pendant l’été, raccourcirait les distances des porte-conteneurs de l’Asie vers l’Europe et les Amériques, de même pour un chemin de fer qui relierait la Russie, les Amériques et l’Europe par l’Alaska.

La Russie de Poutine voudra-t-elle une coprospérité avec un occident « décadent » ? Les nationalistes russes abandonneront ils la haine des Etats-Unis contre une coprospérité ?

Seule une économie régionale pourra définitivement amarrer la Russie aux Etats-Unis et au reste du monde. Le Détroit de Béring serait le projet définitif qui changerait l’imaginaire de la Russie sur une possible isolation des Etats-Unis et pour une domination sans partage du monde. Par le Détroit de Béring et l’Alaska une stratégie de paix et de prospérité pourrait être construite définitivement entre les Etats-Unis, la Russie, le Canada et l’Union européenne.

Une vieille histoire russo-américaine

L’Alaska est habitée depuis l’époque des grandes glaciations, il y a près de 15 000 ans, sa « découverte » est attribuée à Vitus Béring, un marin danois au service de l’Empire russe, en 1741. Ce n’est que quarante ans plus tard que les Russes établissent leurs premières colonies et prennent pleinement possession des terres. À la fin du XVIIIe siècle, les affaires de la Compagnie russe d’Amérique, spécialisée dans le commerce de fourrures, étaient prolifiques. L’Empire russe s’étend vers le sud, à la recherche de terres fertiles, et ouvre même un comptoir en Californie, à Fort Ross, près de San Francisco. À la fin du XIXe siècle, les profits de la Compagnie déclinent. Face aux difficultés financières et la peur de voir tomber l’Alaska aux mains du rival britannique, le Tsar Alexandre II cède en 1867 tous ses territoires nord-américains aux États-Unis, pour la somme de sept millions de dollars. Avant la vente des terres, on estime qu’environ 2 500 Russes y habitaient.